samedi 29 mars 2008

Un tableau de Matisse


Comme je l'ai dit dans le post précédent, je veux parler de ce qui est beau et m'émeut ou me transporte.
Je connais très peu de choses en peinture, et j'ai été longtemps réfractaire aux musées, que je trouvais ennuyeux et difficiles à comprendre. Il fallait marcher des heures et regarder des tableaux, que souvent je n'aimais pas.
Un ami peintre m'a fourni une clef aussi surprenante qu'efficace bien que le manque de temps m'aient empêché de la mettre en pratique.
Comme je lui faisais remarquer que je ne connaissais rien en peinture et que je ne savais pas regarder les tableaux, il s'énerva et me dit :
- N'importe qui peut regarder un tableau, ils ne sont pas faits pour être regardé par des spécialistes. Tout le monde peut les regarder. Ce sont les critiques qui enferment l'art. Voilà ce que tu vas faire : va dans un musée, choisis une ou deux salles, regarde bien les tableaux, sans te casser la tête, et choisis les trois que tu préfères, et demande-toi pourquoi tu les préfères, même si c'est pour une raison que tu trouves idiote, par exemple, parce que partie de l'image te fait penser à des vacances, ou à la maison de ta grand mère, ou à une pub que tu aimes. La semaine suivante, retournes dans la musée, dans la ou les mêmes salles, regarde à nouveau les tableaux, demande -toi à nouveau pourquoi tu les aimes, regarde les tableaux d'une autre salle, choisis à nouveau tes trois préférés, même si ce sont les mêmes, età nouveau pourquoi ce sont tes favoris. Et ainsi de suite. Si tu fais cela une fois par semaine, en deux ans tu pourras être un vrai critique d'art.
Evidemment cette méthode m'a plu, même si je ne l'ai pas appliquée à la lettre.
Elle m'a amené à observer les choses gratuitement, sans honte de ne pas savoir, et en tête à tête avec moi-même.

Voilà donc pourquoi j'aime ce tableau de Matisse, dont je ne sais où il est exposé.
Je ne comprends pas ce que sont les panneaux muraux derrière la femme allongée, mais les motifs me rappellent ceux des papiers peints de la maison de mes grands-parents. Ces motifs et le souvenirs qu'ils éveillent chez moi évoquent un univers proustien, maisons bourgeoises, campagne, chambre, odeurs de renfermé et d'humidité. Je descends les escaliers de bois qui craquent, j'arrive en bas, à la porte d'entrée, je l'ouvre et je sens l'odeur de la campagne l'hiver, l'air froid, je frissonne et je sors me promener avec mon grand père.
A ce stade, et déjà passée dans une sorte de demi monde de rêve, qui est la femme au premier plan? C'est ma tante, lorsqu 'elle était jeune, déguisée pour une pièce de théâtre où elle jouait le rôle d'une mauresque.
Qui est-elle vraiment? Le mobilier n'a rien d'oriental, est-ce un modèle à l'arabe dans un cadre occidental? peu importe.
J'aime la pose de la femme, fatiguée, mais détendue. J'aime les jaunes dorés qui suggèrent luxe, bijoux, futilités, entrelacs inutiles.
Enfin, je pense à un poème de Verlaine, ou au début :

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,
Ni tout à fait une autre, et m'aime, et me comprends.

Et vous? Que vous suggère ce tableau, même s'il ne s'agit que de quelques mots? Laissez-vous aller...

8 commentaires:

Anonyme a dit…

En regardant ce tableau, j'ai l'impression de regarder par une fenêtre... dans une très belle maison dont je me serai approchée sur la pointe des pieds...

DIDOU a dit…

Ce tableau me plait aussi, sans que je sois capable de comprendre pourquoi.
La vivacité presque agressive des couleurs, le contraste avec la sérénité ou l'aspect léthargique (dort-elle ?) de la femme...

C'est d'ailleurs le défaut des musées : y sont juxtaposées des centaines d'oeuvres, aussi belles les unes que les autres, et c'est quasiment impossible (comme le proposait ton ami) de s'arrêter sur une ou deux toiles pour ne voir qu'elles et plus les autres.
Dans un musée, je n'ai qu'une envie: c'est tout voir (quitte finalement à ne rien remarquer !)

Anonyme a dit…

Il est beau, ce tableau.. Pourquoi??? la femme a l'air détendue.. les couleurs sont belles...

La journée de Miss Doodle a dit…

Ton ami peintre, je l'adore, quelle belle façon de te prendre les craintes vis à vis de la peinture!
Et ce tableau évoque chez moi: une autre époque, au soleil, calme, confortable et chaude, avec des couleurs qui chantent et des femmes dans des vêtements adaptés à leur corps et tout de même élégants..
A bientôt, j'ai beaucoup aimé lire ton billet:)

Anonyme a dit…

Je mets un commentaire pour la note suivante : la jeune fille qui a eu une vie hantée par tant de suicides. Ce n'est pas étonnant qu'elle se soit dirigée vers la peinture qu'elle réussi très bien. Quant à Matisse, j'aime beaucoup ses oeuvres. Merci pour ton commentaire sur la lessive. Bon après midi.

Ckan a dit…

Moi je n'aime pas trop ce tableau, il me fait penser à ma tante Odette

Anonyme a dit…

Mersi, Ckankonvaou !!!! C'est cela qu'il faut faire, regarder le tableau avec sa vie. Tiens, il faut que je me bouge et que j'en mette un autre.

Anonyme a dit…

et n'oublions pas que Matisse s"est mis à la peinture en constatant que celle-ci faisait fuir la douleur, d'où la sensation ici comme souvent d'une grande sérénité