jeudi 24 avril 2008

Solitude

Je m'interroge beaucoup sur la vie en société. L'une de mes interrogations les plus fréquentes est : peut-on avoir des amis?

On considère généralement que oui. La plupart des gens ont des amis, et semblent très heureux. Je n'ai pas eu le temps d'observer toutes les amitiés, mais la plupart de celles que j'ai vu m'ont semblé passagères ou aveuglées, c'est-à-dire que seule l'habitude liait les gens.

Personnellement, je suis dans une situation étrange. J'ai eu beaucoup d'amis. Je suis encore très entourée. Je déplore, très concrètement, la surcharge de mes week-ends, et, il y a deux, ans, avec mon mari, nous avons décidé de n'accepter qu'une sortie par week end, et de nous réserver un week-end de libre par mois.

Je ne confonds pas l'amitié avec la vie sociale, mais mes amitiés se sont étiolées au fur et à mesure que ma vie sociale s'étoffait. Cette phrase donne l'impression qu'il y a un lien, mais je ne crois pas.
Essayons de décrire les choses : j'avais des amies, je les aimais beaucoup, mais chacune possédait des traits de caractères aux quels je n'adhérais pas, de même, chacune n'aimait pas quelque chose d'important pour moi. Je donne un exemple simple : j'aime les barbecues à la campagne, non pas systématiquement, mais de temps en temps : ma meilleure amie n'aime pas du tout cela. Impossible donc de passer un bon moment avec elle, en mangeant une stupide saucisse grillée avec de la salade. Il serait peut-être intéressant et amusant de raconter, dans le cadre de ce blog, les raisons très diverses pour lesquelles cela n'a pas été possible, ou les problèmes qui en ont découlés. Du reste, la plupart des gens que je connais n'aiment pas l'aspect populaire du barbecue, et préfèrent un repas extérieur, sur une terrasse, pas facile à mettre en place si l'on manque de matériel culinaire approprié (un four et des plaques gaz).
Je visite des musées, rarement, mais systématiquement. Aucune de mes amies n'a pu le faire avec moi. Certaines consentent à m'accompagner à une expo : alors que celles qui sont intéressantes sont généralement bondées. Mais aller modestement visiter un petit morceau de Louvre n'est possible à personne. Je le fais seule. Les raisons : "le Louvre??? C'est toujours pareil" (et là, je dois faire des efforts pour rester calme ; même parmi des professionnels de l'art, je suis persuadé que le Louvre et ses fonds infinis recèlent constamment des secrets) ou bien " oui mais avec les enfants c'est pas possible..." (or, on peut, même de force, les emmener, ils ne paient pas, et réduire la visite à une heure, en l'axant sur des thématiques qui leur plairont : encore une fois, le Louvre est vaste, et rare sont les enfants qui n'aiment pas les salles égyptiennes). "Ah non tu vois moi il faut que je sois en vacances pour aller au musée".
J'ai pris goût à mes visites solitaires, d'autant qu'elles sont rares (pas plus de 3 fois par an, les aléas de la vie).
Mais curieusement, j'ai pu faire des barbecues avec des collègues, dont la présence, cependant, me procure moins de plaisir que celle de mes amies ne m'en auraient procurés. J'ai visité le musée d'Orsay avec une ex-collègue que je n'apprécie pas autant que mes amies, mais dont j'ai aimé l'enthousiasme.
Alors?
Mes difficiles amies, je les vois moins, et il me semble que nous évoluons.
Mes relations un peu insipides, je les vois de temps en temps, dans des cadres précis. Je suis toujours ahurie que des gens m'appellent et me proposent des activités. Je crois que si je me voyais, je ne m'apprécierais pas...
C'est étrange.
Le pire étant mes "meilleures" amies.
L'une m'a, sans s'en rendre compte, je crois, beaucoup blessé il y a deux ans, et, comme, déjà avant, nous nous voyions peu, et uniquement quand j'appelais, vu que je laisse passer le temps... Disons que j'attends de voir, j'attends son appel, une proposition de repas, d'entrevue... Rien. J'ai pris de ses nouvelles quatre fois, et elle est très occupée. je sais cependant que j'ai toujours de l'affection pour elle : car penser à elle me rend triste.
L'autre, c'est différent. Elle m'a aussi fait beaucoup de peine il y a deux ans, mais comme je l'aime beaucoup, j'ai décidé d'aller au delà, alors que j'avais été bouleversée et fachée, nous nous sommes revues et reparlées. Mais ça n'est pas comme avant. C'est comme si je m'éloignais d'elle, par le coeur, et que mon esprit le constatait et le déplorait, impuissant : car je voudrais ne pas lui en vouloir : mais je ne peux pas.
Je suis peut-être trop dure, trop exigeante. C'est tout à fait possible.
En ce cas, je mérite la solitude qui m'entoure.

mardi 22 avril 2008

Les mangeurs de pommes de terre (Van Gogh)/ Aprement ( Verhaeren)

J'aime beaucoup la poésie. Certains poètes usurpent un peu leur réputation, ce me semble, et Emile Verhaeren ne me paraît pas des meilleurs ; ce poème-là me plaît cependant par ce qu'il évoque.
Il me rappelle "ces gens-là", de Brel, et les Mangeurs de pommes de terre, de Van Gogh. Tout un univers de travail, d'austérité, et sans parole. Ou très peu. je connais bien de telles personnes : la famille de mon mari en fait partie. Bien que je les trouve agaçants et difficiles à supporter, ce sont ces gens qui ont fait la France.. la Belgique.. l'Europe.


Les mangeurs de pommes de terre, Vincent Van Gogh, 1885.
(Emile Verhaeren est né en 1855 et mort en 1916 : on est dans le même monde)

Aprement

Le jour
Ils se croisaient dans leur étable et dans leur cour,
Leurs durs regards obstinément fixés à terre ;
Et tous les deux, ils s'acharnaient à soigner mieux,
Elle, ses porcs, et lui, ses boeufs,
Depuis qu'ils se boudaient, rogues et solitaires.

Ils s'épiaient du coin de l'oeil, dans leur enclos,
Avec l'espoir secret de se surprendre en faute.
Mais elle était toujours de corps ferme et dispos
Et lui travaillait dur et tenait la main haute
Sur la grange et le champ.

Ils se mouvaient, pareils à deux blocs de silence,
Faits de sourde rancune et d'âpre violence :
Aux trois repas, ils attablaient, farouchement,
Face à face, leur double entêtement.
Ils gloutonnaient, à bouche pleine,
Leur pain compact
Réglant leurs coups de dents sur le tic tac exact
De l'horloge de chêne ;

Quand leur bru s'en venait, le dimanche, les voir,
L'un disait, à voix haute, pesante et lente,
Ce que l'autre devait savoir
Pour les achats et pour les ventes,
Et l'accord se faisait, sur la somme, sans plus.
- Oh ! qu'ils étaient ardents et résolus
A tordre d'un gain minime
Le plus humble centime ! -

La nuit,
Dos à dos, ils s'étendaient dans leur vieux lit,
Chacun guettant l'aurore
Pour être seul à travailler
Dans le fournil ou le grenier,
Quand l'autre s'oubliait à reposer encore.

Ainsi
Leur bien grandit,
Grâce à leur âcre et morne souci
D'être toujours sans défaillance et sans merci,
Et de vivre, durant des mois et des années,
A mâchoire fermée.

mardi 15 avril 2008

La chambre de Vincent


Evidemment, aimer ce tableau, c'est tarte à la crème.
Avant tout précisons que ceci n'est pas un tableau, mais une reproduction qui ne lui ressemble pas. Pour voir le tableau, il faut se dépalcer. Il est musical. Oui, les couleurs, fortes, abruptes, bien plus fortes et éclatantes que dans cette reproduction, sont quasiment musicales. Certains, de ma connaissance, n'aiment pas ce tableau dont ils trouvent les couleurs criardes. Il n'y pas pas moyen de répondre à cela. Elles sont parfaitement harmonieuses pour moi.
Je pourrais imaginer ce qu'il y a dans et autour de ce tableau, mais justement je ne peux pas. je l'ai vu deux fois en réalité, et il n'y a rien à en dire : il m'hypnotise. Il m'envoute. Il suffit de le regarder.
On pourrait imaginer des branches et des fleurs par la fenêtre :mais je n'en vois pas. Je pourrais dire que j'imagine ce qu'il y a dans les pièces voisines :mais je n'imagine rien. Ce tableau envoute, hypnotise mon regard et m'empêche de penser, c'est tout.
Allez le voir au musée d'Orsay. Il faut le voir. Il est une aventure, une expérience, en lui-même.

dimanche 13 avril 2008

Matins




J'essaie, en général, de bien organiser mes matins. Disons, de les organiser du mieux possible.
Si je réussis à en faire de petits moments de poésie, ce qui n'est pas toujours facile, ma journée s'en trouve comme enchantée.
Cette petite manie peut sembler stupide, ou bébête, ou vieille fille. Ce que je ne suis pas. Mais je le répète : réussir à introduire un peu de poésie dans la vie a son charme.
Aujourd'hui, dimanche, ça s'est bien passé :la vaisselle d'hier avait été faite, par l'effet conjugué de mes enfants, envoyés à la cuisine, et de moi-même, en voiture balai, pour faire les raccords et les finitions. Ce qui m'a évité ce matin de m'éveiller dans une cuisine dévastée.
Puis j'ai pensé à utiliser la salle à manger, car nous avons une, petite salle à manger, dans un coin du salon, que j'aime bien : et trop souvent, poussée par l'habitude, en mécanique je prépare le café et m'installe à la cuisine, sur la petite table à la quelle nous déjeunons, successivement, en semaine, car elle est trop petite pour nous accueillir tous, mais peu importe car nous ne nous levons et préparons pas aux mêmes heures.
La nappe, récemment utilisée, et posée sur une chaise repoussée contre la table, m'attendait ; comme toujours, il a été très facile de rompre le quotidien, pourquoi ne le fais-je pas plus souvent? Il a suffi de déplier la nappe, poser les tasses, le sucrier, les couverts, et attendre les levers de tous, assise, tournée vers la fenêtre, en buvant mon café solitaire. Il me semblait être en vacances, et mon petit garçon, en se levant, s'en est émerveillé : "Oh!!! m'a-t-il dit, " c'est bien, on dirait qu'on est en ailleurs!!" Je l'ai embrassé. Voilà.
C'est si simple, et cela fait commencer si agréablement la journée !!!

vendredi 4 avril 2008

Mode chaussures?

La mode actuelle, celle que je vois sur les blogs, me surprend. Certaines choses me parraissent magnifiques, d'autres hideuses ou inintéressantes.
Je suis à la recherche d'idées pour m'acheter des chaussures et j'ai du mal. Si mes commentateurs ont des idées, ils peuvent me les communiquer.
Tout le monde parle de la marque Chie Mihara, et je ne trouve pas ces chaussures très jolies. ce doit être mon âge !!!
Au court d'une petite promenade, j'ai trouvé ça chez Dior :

Je trouve ça tout simple et charmant, sauf la mention DIor sur la pompe, que je trouve immonde. Mais je retiens pour mes pérégrinations.
De même, et avec un défaut similaire, j'aime beaucoup le côté vieillot de cette paire :


La répétition de la marque est insupportable, mais j'aime la forme. certes, ce ne doit guère être à la mode, mais je n'aime que le mode qui me plait. J'utilise présentement un petit sac dont mon charitable Monsieur prétend qu'il ressemble au sac d'une vieille, ce qui est exact, il a, ce sac, un côté mamie. j'aime bien. Bon,il faut que le reste du look résiste. Mon petit sac avec cette paire de chaussures... je ne sais pas.
Enfin, je retiens la ballerine fleurie, et la vieillotte pointute.

Note : Il y a au moins 8 ans, je suis tombée par hasard sur des chaussures dans le style de celles que porte Punky. Pas du tout à la mode. Je les ai aussitôt vues avec un jean large et une blouse à fleurs ou brodée. Je ne les ai pas achetées par pure peur du ridicule. Bien. C'était une erreur : j'aurais pu être ringarde il y a huit ans, puis early adopter, avec un peu de bol.
Donc là, tout en analysant tout ce que je vois, je vais suivre mes goûts (depuis que je fais la sieste allongée par terre dans les parcs, mes enfants n'ont plus honte de moi : ils sont résignés ; mon fils ainé est même persuadé que je n'aime que le rose bonbon pelucheux, on se demande pourquoi, je n'ai aucune fringue comme ça).

mardi 1 avril 2008

Charlotte Salomon
















C'est avec émerveillement que j'ai découvert une artiste, hier, grâce à la Vie en rouge.
Je résume brièvement sa vie, qui est un véritable drame.
Né à Berlin en 1917, dans une riche famille bourgeoise juive, elle porte le prénom de sa tante qui s'est suicidée à 18 ans ; sa mère se suicide quand elle a 9 ans. Ces deux suicides lui sont cachés. Son père se remarie avec une cantatrice brillante et admirée, dont Charlotte est jalouse.

A partir de 1933 ( elle a donc 16 ans, en pleine adolescence), sa vie change totalement puisque les Juifs sont privés de l'accès à de nombreux emplois. Son père est licencié. Elle fait des études de dessins, son père est emprisonné, sa belle-mère parvient à le faire libérer, on envoie Charlotte chez ses grands-parents maternels dans le sud de la France, en 1938. Quand la guerre est déclarée, en 1939, sa grand -mère maternelle se suicide et son grand-père lui apprend tous les suicides de la famille (sa mère, sa tante, et sa grand-mère).
Charlotte, après avoir été internée dans un camp du Sud de la France, puis libérée, commence à produire une série de gouache intitulées "Vie? Ou théâtre?", dédicacées à une Américaine qui les héberge dans sa villa.
En 1943, après la mort de son grand-père, elle se marie. Elle confie ses toiles à son médecin, et est arrêtée peu après, envoyée à Auschwitz et assassinée là-bas, alors qu'elle était enceinte de cinq mois.

De telles histoires me donnent le vertige.

Ses dessins sont magnifiques. Deux liens.
Je trouve ses dessins d'une poésie vertigineuse, légère, aérienne et douloureuse.
Merci à la Vie en rouge, merci !!!