mardi 22 avril 2008

Les mangeurs de pommes de terre (Van Gogh)/ Aprement ( Verhaeren)

J'aime beaucoup la poésie. Certains poètes usurpent un peu leur réputation, ce me semble, et Emile Verhaeren ne me paraît pas des meilleurs ; ce poème-là me plaît cependant par ce qu'il évoque.
Il me rappelle "ces gens-là", de Brel, et les Mangeurs de pommes de terre, de Van Gogh. Tout un univers de travail, d'austérité, et sans parole. Ou très peu. je connais bien de telles personnes : la famille de mon mari en fait partie. Bien que je les trouve agaçants et difficiles à supporter, ce sont ces gens qui ont fait la France.. la Belgique.. l'Europe.


Les mangeurs de pommes de terre, Vincent Van Gogh, 1885.
(Emile Verhaeren est né en 1855 et mort en 1916 : on est dans le même monde)

Aprement

Le jour
Ils se croisaient dans leur étable et dans leur cour,
Leurs durs regards obstinément fixés à terre ;
Et tous les deux, ils s'acharnaient à soigner mieux,
Elle, ses porcs, et lui, ses boeufs,
Depuis qu'ils se boudaient, rogues et solitaires.

Ils s'épiaient du coin de l'oeil, dans leur enclos,
Avec l'espoir secret de se surprendre en faute.
Mais elle était toujours de corps ferme et dispos
Et lui travaillait dur et tenait la main haute
Sur la grange et le champ.

Ils se mouvaient, pareils à deux blocs de silence,
Faits de sourde rancune et d'âpre violence :
Aux trois repas, ils attablaient, farouchement,
Face à face, leur double entêtement.
Ils gloutonnaient, à bouche pleine,
Leur pain compact
Réglant leurs coups de dents sur le tic tac exact
De l'horloge de chêne ;

Quand leur bru s'en venait, le dimanche, les voir,
L'un disait, à voix haute, pesante et lente,
Ce que l'autre devait savoir
Pour les achats et pour les ventes,
Et l'accord se faisait, sur la somme, sans plus.
- Oh ! qu'ils étaient ardents et résolus
A tordre d'un gain minime
Le plus humble centime ! -

La nuit,
Dos à dos, ils s'étendaient dans leur vieux lit,
Chacun guettant l'aurore
Pour être seul à travailler
Dans le fournil ou le grenier,
Quand l'autre s'oubliait à reposer encore.

Ainsi
Leur bien grandit,
Grâce à leur âcre et morne souci
D'être toujours sans défaillance et sans merci,
Et de vivre, durant des mois et des années,
A mâchoire fermée.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas ce poème mais je connais des couples qui vivent de cette manière bien décrite par Verhaeren.
Bon après midi.

givethemhell a dit…

Il est sombre, ce tableau de Vincent van Gogh. Pas de soleil du midi ...

Bonne semaine et bises,
Eva

Anonyme a dit…

Il est un peu sombre, ce tableau, mais je le connais et je le trouve très frappant et intéressant.

Anonyme a dit…

C'est bien de l'avoir mis en relation avec le poème.

Anonyme a dit…

On oublie qu'il ai pu peindre des choses aussi sombres, lui le flamboyant....magnifique post et des plus interréssant comme d'habitude, merci.

Anonyme a dit…

Merci pour ton message. Après avoir lu quelques uns de tes posts, J'aime beaucoup ton univers et je vais prendre le temps de lire tes articles plus anciens.
Bonne soirée.

Anonyme a dit…

Ce poème et ce tableau sont très beau!!! Et très bien mis en rapprot !!!

Anonyme a dit…

belle association

Anonyme a dit…

Très beau, l'association entre les deux. j'aime bien. ça nous fait ressentir des choses...

DIDOU a dit…

J'avoue lire rarement de la poésie, mais c'est ce poème qui me touche particulièrement dans ton billet.

Davantage que la peinture de Van Gogh que je trouve trop inspirée de l'école flamande, et pas dans le style enflammé que j'aime de lui.

Le poème est noir et triste à souhait. Il évoque la vie sans bonheur mais dirigée par le devoir, l'abnégation.

Chapeau !